"On ne lutte pas contre les industriels, on lutte contre la pollution qu'ils émettent en dépassant largement les normes", explique une riveraine, Jackie Huriaux, 74 ans, ce mardi 13 février, lors d'une audience devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence chargée d'examiner les assignations de riverains du complexe industriel de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône).
Ces derniers avaient attaqué plusieurs entreprises, dont le sidérurgiste ArcelorMittal et le groupe pétrolier Esso, en invoquant notamment un "préjudice d'anxiété". Au premier procès, en 2022, la justice avait notamment insisté sur les "circonstances historiques" ayant amené cette région, proche de Marseille, "à être choisie, en raison de son emplacement géographique, pour être l'un des principaux sites nationaux de développement industriel".
Des cancers qui poussent à "attaquer des sociétés qui les faisaient vivre"
Les deux parties ont longuement évoqué l'étude Fos-Epseal, publiée en 2017, qui avait jeté un pavé dans la mare parmi les habitants de la région en concluant notamment que les femmes interrogées à Port-Saint-Louis et Fos-sur-Mer avaient trois fois plus de cancers que la moyenne nationale.
Jusqu'à cette parution, les riverains n'avaient pas "imaginé qu'ils pouvaient attaquer les sociétés qui les faisaient vivre, puisqu'ils travaillent pour la plupart dans ces entreprises", a expliqué leur avocate, Me Julie Andreu, rappelant qu'une des personnes qu'elle défendait avait succombé à plusieurs cancers en cours de procédure.
"Dans notre allée, on est douze, huit sont morts de cancers, […] et dans mon travail, je peux vous dire que c'était impressionnant au fur et à mesure que les années passaient", a poursuivi cette ancienne infirmière libérale.
Un site industriel installé avant les logements
"La qualité de l'air à Fos n'est pas plus mauvaise" et "parfois bien meilleure" qu'ailleurs, se défend à la barre l'avocate d'ArcelorMittal, regrettant l'"image apocalyptique faite" par la partie adverse.
L'avocat du fabricant de plastique PVC Kem One a, quant à lui, insisté sur le fait que son entreprise s'était installée en 1963 sur le site, soit une décennie avant que Jackie Huriaux et son mari n'achètent leur logement à proximité.
"On ne savait pas du tout à quoi s'attendre, on venait pour un travail", a résumé Mme Huriaux, dont le mari était technicien chez ArcelorMittal. Elle assure par ailleurs que lorsqu'elle s'est "installée, en 1972, on ne parlait pas de cancers". "Les industriels nous ont traités comme des déchets."
La décision de justice sera rendue le 16 mai.