L'OMC en terre inconnue à Abou Dhabi

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À quelques jours de l'ouverture de la 13e conférence ministérielle (CM13) qui se tiendra du 26 au 29 février, les diplomates à Genève se préparent à des échanges âpres.

Crédit photo ©WTO
À quelques jours de l'ouverture de la 13e conférence ministérielle (CM13) de l’Organisation mondiale du commerce qui se tiendra du 26 au 29 février à Abou Dhabi, aux Émirats arabes unis, des désaccords profonds laissent peu d'espoir d'avancées majeures. A fortiori à quelques mois des échéances présidentielles aux États-Unis et dans un contexte de crise en mer Rouge.

La précédente conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce s'était achevée il y a deux ans par un certain succès, avec des accords sur la pêche, les brevets des vaccins anti-Covid et la volonté de réformer l'OMC. Mais à quelques jours de l'ouverture de la 13e conférence ministérielle (CM13) qui se tiendra du 26 au 29 février, les diplomates à Genève se préparent à des échanges âpres.

"Les attentes doivent rester modérées. Il n’y aura pas de big bang, pas de solution à tout", indique Rashid Kaukab, professeur à l'Institut international de Genève. Avec la crise en mer Rouge qui perturbe le transport maritime mondial, "la ministérielle va se dérouler dans une région du monde en proie à des difficultés", ajoute John Denton, patron de la Chambre de commerce internationale.

Pour beaucoup, un nouvel accord sur la lutte contre les subventions nuisibles au stock de poissons serait un véritable succès pour l'organisation. L'accord conclu en 2022 à Genève visait à répondre aux situations les plus alarmantes, comme la pêche illégale, alors que "l'objectif de cette deuxième vague de négociations est de s'attaquer aux causes profondes du problème", avec des règles plus larges sur l'interdiction des subventions contribuant à la surcapacité ou à la surpêche, explique Tristan Irschlinger, de l'Institut international du développement durable (IISD).

Plusieurs déclarations ministérielles devraient aussi être signées, notamment sur la pollution par les plastiques. Depuis une dizaine d'années, les pays avancent "de façon progressive" dans les négociations, comme sur la pêche, pour surmonter leurs différends commerciaux, explique Rashid Kaukab.

Agriculture, des tensions en vue

Sujet hautement sensible, comme l'ont montré les récentes manifestations d'agriculteurs dans toute l'Europe, l'agriculture est depuis toujours au cœur des discussions à l'OMC. En 2015, les pays ont pris l'engagement de supprimer les subventions à l'exportation de produits agricoles.

Sept grands sujets figurent sur un projet de programme de travail, mais il est loin d'être garanti qu'il soit approuvé : 

  • soutien interne ;
  • accès aux marchés ;
  • mécanisme de sauvegarde spéciale ;
  • restrictions à l'exportation ;
  • concurrence à l'exportation ;
  • coton ;
  • et détention de stocks publics à des fins de sécurité alimentaire.

Réforme difficile

Ce grand raout est surtout vu par beaucoup comme "la dernière chance" de réforme de l'organisation avant une potentielle réélection de l'ancien président américain républicain Donald Trump qui, lors de son premier mandat, avait menacé de sortir les États-Unis de l'OMC.

Mais les discussions sur la réforme de l'OMC, réclamée par plusieurs pays dont les États-Unis, piétinent. Washington et d'autres capitales veulent que certains pays fassent preuve d'une plus grande transparence sur leurs subventions. Et la règle de l'OMC qui laisse la liberté à chaque pays, y compris la Chine, de s'autodéclarer "en développement", et par là même de bénéficier d'avantages, n'est pas du goût de tous.

"Il y a des acteurs, comme les États-Unis, qui souhaitent vraiment poursuivre un programme de réforme très ambitieux. Mais un grand nombre de membres de l'OMC sont sceptiques ou ne sont pas sûrs que le système ait besoin d'être autant réformé", observe Pablo Bentes, spécialiste OMC chez Baker McKenzie.

Aucune solution ne semble en vue non plus sur la réforme de la cour d'appel du mécanisme de règlement des différends, véritable bête noire des États-Unis. Cette instance est inopérante depuis 2019, car Washington bloque le renouvellement des juges.

L'OMC, la grande malade ?

L'OMC est née le 1er janvier 1995 et elle a succédé au GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1947), qui a établi les premières règles communes du commerce international.

La création de l'OMC a marqué la plus grande réforme du commerce international depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale : là où le GATT régissait principalement le commerce des marchandises, l'OMC et ses accords visent également le commerce des services et la propriété intellectuelle. Mais elle est accusée par certains d'être devenue une organisation trop lourde, une véritable machine administrative.

Dotée d'un budget de 204,9 millions de francs suisses (217 millions d'euros) pour 2024, elle emploie en son siège à Genève en Suisse plus de 600 personnes, dont un bataillon de juristes, économistes et statisticiens. L'OMC est "pilotée" par ses membres et fonctionne par consensus, c'est-à-dire que chaque pays a un droit de veto, une règle de plus en plus difficile à tenir avec la participation de plus des trois quarts des États du Globe.

Elle compte 164 membres, dont environ trois quarts sont des pays en développement et des pays très pauvres. Pour profiter de certaines dérogations dont profitent ces pays, certains membres s'autoproclament en développement. Plus d'une vingtaine de pays sont sur la liste d'attente, certains négociant leur accession depuis de nombreuses années, tels que l'Iran, l'Algérie ou encore la Serbie et l'Irak. 

Le processus d'accession à l'OMC peut être très long, car il prend la forme de négociations avec les pays membres de l'organisation. Tout pays peut donc user de son droit de veto pour bloquer l'arrivée d'un nouveau membre. Le Timor oriental et les Comores devraient bientôt rejoindre l'OMC, dans la catégorie des pays les moins avancés. Leur accession doit être formellement présentée à Abou Dhabi.

Après avoir accompagné la mondialisation en fluidifiant les échanges, l'OMC, héritière de règles établies après la guerre froide, peine à sortir de son obsolescence, même si son actuelle patronne, la Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala, lui a insufflé une nouvelle énergie.

La rédaction (avec l'AFP)

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