Éolien, solaire, biogaz... la filière des énergies renouvelables attend depuis des mois des objectifs de développement chiffrés à horizon 2035. Que va devenir cette feuille de route pour laquelle le Gouvernement a promis un décret, faute de vouloir en faire une loi ?
"C’est grave ce qui se passe, s'insurge Jules Nyssen, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER). Le Gouvernement tergiverse depuis des mois sur cette programmation, qui aurait dû être annoncée cette semaine et mise en concertation fin juin. Vraisemblablement, elle ne pourra pas être adoptée avant les législatives" du 30 juin, annoncées dans la foulée du score record du Rassemblement national aux Européennes.
"Nous sommes dans une instabilité complète, alors que nous avons besoin de sécurité juridique et de visibilité. Et nous en payerons cher le prix. Aujourd'hui, on rebat les cartes, le Gouvernement futur va pouvoir refaire ses choix", poursuit-il, précisant qu'"on peut vraiment en vouloir" au Gouvernement sortant d'avoir fait traîner le sujet.
Flou quant à l'avenir de la transition
Sans programmation officielle, que deviendra le "méga-appel d'offres" attendu dans l'éolien en mer une fois révélées en septembre les zones propices d'implantation des futurs parcs ? Ou le soutien aux gaz renouvelables, qui ont déjà atteint les objectifs de capacité prévus par la précédente programmation ?
De la même manière, une étape clé pour la mise en œuvre de contrats commerciaux passés par EDF était attendue en juin sous la houlette du ministre de l'Industrie, contrats censés sécuriser l'avenir de l'électricien endetté.
À l'Uniden, qui représente les grands industriels énergivores et potentiels clients de ces contrats, on "souhaite que cette période d’instabilité ne pose pas de problème", alors que seuls quatre accords ont été signés jusqu'ici. "Nous avons une feuille de route claire : nous devons nous décarboner. L’essentiel est d’accéder à une électricité bas carbone à un prix compétitif, qu’elle soit nucléaire ou renouvelable", explique Nicolas de Warren, son président.
Même flou pour l'hydrogène vert, destiné à décarboner l'industrie lourde : "Depuis un an, la filière attend la stratégie révisée du Gouvernement, note Mika Blugeon-Mered, chargé d'enseignement en marché et géopolitique de l'hydrogène à Sciences Po. Elle était attendue à l’été selon le ministère, mais il y a maintenant peu de chances qu’elle soit publiée dans les délais. Or la filière a besoin d'un soutien aux utilisateurs, puisque la stratégie initiale était axée uniquement [sur les producteurs]."
Nucléaire
Marine Le Pen, lors de sa campagne présidentielle de 2022, avait promis une vingtaine de nouveaux réacteurs nucléaires, dont dix à livrer dès 2031, un pari irréaliste de l'aveu-même des industriels.
Elle promouvait aussi un moratoire sur l'éolien, avec "démantèlement" progressif des parcs, qui "vrillent les yeux et le cerveau", assurait, en 2023, Pierre Meurin, député RN, lors des débats sur la loi d'accélération des énergies renouvelables.
Le refus des énergies renouvelables se heurte pourtant à tous les scénarios de transition énergétique, qui, nucléaire ou pas, soulignent la nécessité de l'éolien comme du solaire si la France veut sortir des énergies fossiles et tenir ses engagements climatiques.
"Lois de l'économie et de l'énergie"
Le patron d'un fournisseur d'électricité renouvelable prédit que "les lois de l'économie et de l'énergie vont [...] rattraper" les responsables RN. "On aura besoin de plus d'énergie pas chère. Construire du nucléaire nécessite 10-15 ans. Que fait-on en attendant ? Et comment attirer des usines de batteries s'ils ne veulent plus de voitures électriques ?", s'interroge-t-il, sous couvert d'anonymat, alors que Marine Le Pen veut "rétablir la liberté des Français" d'acheter des véhicules thermiques.
Jules Nyssen, quant à lui, ne veut pas faire de pronostics pour ces législatives. "Parmi les préoccupations de nos concitoyens, il y a le changement climatique, la souveraineté de la France, le besoin de réindustrialiser, et sur ces trois sujets les énergies renouvelables ont des réponses à apporter. L’enjeu pour nous est de bien le rappeler, pour éviter une campagne uniquement axée sur les peurs."
La rédaction (avec Catherine HOURS et Isabel MALSANG de l'APF)
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