Le pétrole aux Féroé : un rendez-vous pour le moment manqué

Toujours pas l'ombre d'une plateforme en vue... Après avoir nourri les attentes et galvanisé les rêves d'indépendance au tournant du millénaire, la manne pétrolière relève plus du mirage que du miracle aux Féroé.
"Nous sommes convaincus qu'il y a du pétrole et du gaz naturel ici", affirme Kristina Háfoss, la ministre des Finances de l'archipel autonome danois, égaré au beau milieu de l'Atlantique Nord. "C'est juste une question d'attirer assez de compagnies pétrolières et on finira par les trouver".
Elles étaient pourtant assez nombreuses sur la ligne de départ. En 2000, des mastodontes comme le britannique BP, le norvégien Equinor (alors nommé Statoil) et l'italien Eni avaient tous obtenu des licences pour prospecter les eaux féringiennes. Neuf forages et autant de déceptions plus tard, l'enthousiasme est nettement retombé : certains puits ont bien prouvé la présence d'hydrocarbures mais pas en quantités suffisantes pour justifier une exploitation commerciale.
Ce rendez-vous manqué avec l'or noir aurait pu saper les revendications indépendantistes mais la pêche et la pisciculture assurent à l'archipel une économie prospère. Résultat : une moitié des 50.000 Féringiens restent tentés par l'indépendance vis-à-vis du Danemark. Ultime compagnie pétrolière à avoir un bureau à Tórshavn, la capitale provinciale, Equinor l'a finalement fermé en 2015. "Nous avons foré quatre puits d'exploration sans faire une seule découverte commerciale et, vu le potentiel restant sur les îles Féroé, décision a été prise de partir", explique Erik Haaland, un porte-parole. Lors du dernier cycle de concessions l'an dernier, seul un groupe s'est porté candidat, sans même que cela débouche sur l'attribution d'une licence d'exploration.
À l'Institut géologique féringien, on fait contre mauvaise fortune bon cœur. "Ça a été une déception, je ne peux pas prétendre le contraire mais je ne suis pas surpris, vu le timing", confie Heri Ziska, un expert de l'institut, en évoquant la faiblesse du cours du baril qui a obligé l'industrie pétrolière à sabrer dans ses investissements ces dernières années. "Nous avons des signaux très positifs de certaines compagnies", ajoute-t-il toutefois, "et nous voyons qu'elles travaillent dans les parages, alors elles nous regardent activement".
Au large des îles Shetland, relativement proches, d'importantes nappes d'hydrocarbures ont en effet été découvertes et Shell et Chevron ambitionnent de développer respectivement Combo et Rosebank, deux gisements situés tout juste de l'autre côté de la frontière maritime. "Quand on sait que, à quelques kilomètres seulement de la frontière féringienne, le Royaume-Uni trouve constamment du pétrole, c'est certain qu'il y a du pétrole ici", assure Poul Michelsen, ministre des Affaires étrangères, en charge des questions pétrolières.

"Industrie offshore vigoureuse"

En plus de leur éloignement géographique, les îles Féroé souffrent de la nature de leurs fonds sous-marins faits de basalte, une roche volcanique non homogène qui complique et renchérit les forages. Mais, même si la découverte d'un gros filon reste à ce jour hypothétique, l'archipel affiche un secteur pétrolier florissant. Fort de leurs traditions maritimes remontant à leurs racines Vikings, un gros millier de Féringiens travaillent dans l'offshore aux Féroé ou ailleurs. "C'est l'un des réellement grands succès : nous ne produisons pas de pétrole mais nous en tirons tout de même beaucoup d'argent", fait valoir Heri Ziska.
Regin Joensen est l'un de ces Féringiens partis chercher fortune sur les installations pétrolières. Salarié d'un groupe norvégien, il est aujourd'hui superviseur de robot sous-marin sur un navire au large de la Côte d'Ivoire et ne semble pas regretter son choix. "Quand on travaille sous contrat norvégien, les salaires sont sympas et les rotations 2-4 aussi : si je travaille en mer du Nord, je suis à bord pour deux semaines et (en récupération) à la maison pendant les quatre semaines suivantes. En Afrique, c'est quatre et huit", témoigne-t-il. Pour 134,3 jours travaillés par an, son salaire mensuel approche les 6.000 euros, avec un supplément de 935 euros par jour de travail supplémentaire. À 52 ans, il ne saurait envisager son avenir ailleurs que dans l'offshore : "On ne change pas si facilement les habitudes coûteuses développées au fil des ans en gagnant beaucoup d'argent".  

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