La consommation européenne de gaz (452 milliards de m3) est tombée en 2023 à son plus bas niveau depuis dix ans (472 milliards de m3), mais le continent reste fortement importateur de gaz naturel liquéfié (GNL) russe, selon la dernière étude du groupe de réflexion international IEEFA (Institute for Energy Economics and Financial Analysis).
Dans ce rapport, publié le 21 février, l'IEEFA attribue cette situation à l'intensification des mesures d'efficacité énergétique et au déploiement des énergies renouvelables.
La major britannique Shell a avancé d'autres arguments dans l'actualisation de ses perspectives publiées il y a quelques jours, alors que les importations européennes de GNL sont restées à des niveaux similaires à ceux de 2022, malgré une baisse globale de la demande européenne de gaz en 2023.
"Les températures hivernales relativement douces dans les pays qui dépendent du gaz pour se chauffer, combinées à des niveaux élevés de stockage de gaz, à une production d'énergie nucléaire plus forte et à une reprise économique modeste en Chine, ont contribué à équilibrer le marché mondial du gaz en 2023", ont justifié les auteurs de la publication.
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En volume, selon Shell, le commerce mondial de GNL a atteint 404 Mt en 2023, contre 397 Mt en 2022 (+ 1,8 %) tandis que les prix se sont maintenus au-dessus des moyennes historiques, selon les données de Shell.
L'Europe s'est massivement tournée vers le GNL américain
Face à la fermeture des gazoducs russes, l'Europe s'est tournée davantage vers le GNL, transporté par bateau. Ces deux dernières années, le continent a importé en premier lieu du GNL américain (pour 75,15 Md€), mais la Russie arrive encore en deuxième place (23,84 M$), bien que talonnée par le Qatar (23,8 Md$). En valeur, les ventes de GNL à l'Europe pour 2022 et 2023 se sont élevées à plus de 170 Md$.
Selon l'IEEA, les livraisons de GNL russe à l'Europe ont augmenté de 11 % entre 2021 et 2023. Elles ont doublé vers l'Espagne, triplé vers la Belgique. La France, en dépit d'un recul de 35 % l'an dernier, est restée le deuxième importateur du GNL russe sur le continent.
Avec eux trois, l'Espagne la Belgique et l'Hexagone ont reçu 80 % des importations européennes de GNL russe l'année dernière.
Zeebrugge (Belgique), Montoir-de-Bretagne (France), Bilbao (Espagne), Gate (Pays-Bas), Dunkerque (France) et Mugardos (Espagne) figurent parmi les terminaux méthaniers qui ont traité le plus de GNL russe entre 2021 et 2023.
Deux ans après le début de l'offensive russe en Ukraine, "le système énergétique européen est plus diversifié et résilient", observe Ana-Maria Jaller-Makarewicz, analyste pour l'IEEFA. Elle souligne que les efforts d'adaptation des pays européens ont permis au continent de "continuer à réduire sa demande de gaz".
Le prix du GNL encore en baisse en 2024
Conséquence : la demande globale de GNL, dont le prix a flambé après le déclenchement de la guerre en Ukraine, pourrait atteindre un "pic" dès 2025, estime l'IEEFA.
L'an dernier, les prix spot asiatiques du GNL se sont établis en moyenne à environ 18 $ par million d'unités thermiques britanniques (mmBtu, unité de référence), en chute libre par rapport aux 70 $/mmBtu atteint en 2022. Les prix ont encore baissé en ce début d'année et restent inférieurs à 10 $/mmBtu. Pour autant, les cours sont restés nettement plus élevés l'an dernier qu'au cours de la période 2017-2020.
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L'organisme souligne que, malgré cela, le continent européen continue d'accroître ses capacités de stockage de GNL.
Depuis février 2022, l'Europe a ajouté 53,5 milliards de m3 de nouvelles capacités de regazéification de GNL tandis qu'une capacité supplémentaire de 94 milliards de m3 de GNL est en cours de planification et devrait être opérationnelle d'ici 2030.
Le taux d'utilisation des terminaux d'importation de GNL de l'UE était en moyenne de 58,52 % en 2023 contre 62,94 % en 2022. Mais selon l'IEEFA, huit des 37 terminaux d'importation d'Europe affichaient des taux d'utilisation inférieurs à 50 %.
A. D. (avec AFP)