Le recrutement des conducteurs, un enjeu difficile pour les transporteurs en Europe

Il manque 400.000 chauffeurs routiers en Europe. C’est la conclusion d’une étude d’un cabinet britannique spécialisé dans le transport. Les entreprises européennes peinent à recruter en raison de salaires plutôt bas et de conditions de travail compliquées.
La pénurie se faisait déjà sentir avant le Covid-19 mais la crise s’est aggravée avec le brusque redémarrage post-pandémie de l'économie, notamment au Royaume-Uni où elle a été renforcée par les effets du Brexit : des stations-service se sont retrouvées à sec.
Tous les pays sont concernés : la Pologne serait en déficit de plus de 120.000 conducteurs, l'Allemagne de près de 60.000, et l'Espagne de 15.000, selon une étude du cabinet britannique Transport Intelligence (TI).
"Les raisons sont multiples", souligne Violeta Keckarovska, qui a publié le document pour TI. "La population des conducteurs vieillit, les jeunes ne sont pas attirés par le métier, les conditions de travail ne sont pas bonnes, les salaires sont bas".
Dans certains pays, la fin du service militaire obligatoire a aussi privé les transporteurs de chauffeurs déjà formés.
Au grand salon de la logistique Solutrans, qui a ouvert le 16 novembre 2021 près de Lyon, plusieurs organismes de formation tentent de séduire des candidats en leur faisant conduire un poids lourd sur simulateur, pour saisir le gabarit et tester la boîte à huit vitesses.
"Ce sont des métiers avec d'énormes responsabilités" et qui ont beaucoup évolué ces dernières années, souligne Régis Garcia, chez le formateur Aftral. "Ce n'est pas forcément plus simple, mais c'est beaucoup moins mécanique et physique, et il y a plus d'assistances électroniques". Les conducteurs parcourent aussi des distances plus courtes qu'avant.
L'innovation technologique pourrait aussi changer la donne : la société Dyn'Acces a créé l’événement à Solutrans avec une plateforme télescopique qui permet à un conducteur en fauteuil roulant de se mettre au volant d'un poids lourd.

40.000 à 50.000 chauffeurs recherchés en France

En France, entre 40.000 et 50.000 personnes manquent aux entreprises, soit deux fois plus qu'en 2017, regrette la Fédération nationale des transports routiers (FNTR), qui a multiplié les efforts de communication. En région Rhône-Alpes, les chauffeurs font partie des cinq métiers les plus pénuriques. Pôle Emploi y recherche 6.000 conducteurs pour les longues distances et 3.000 pour les courtes distances.
"On dit aux entreprises qu'il y a une réflexion à mener sur leur marque, sur le bien-être au travail, qui passe par les primes, le tutorat. Savoir recruter c'est aussi savoir garder ses salariés", souligne chez Pôle Emploi Marina Verbaere-Grobel, responsable du secteur dans la région.
Jeunes, salariés en reconversion, chômeurs en réinsertion, la cible est large. Les femmes, qui représentent une part infime des chauffeurs, sont également "très recherchées".
La formation coûte entre 4.500 et 7.000 euros, souvent prise en charge par l'employeur et des aides publiques. L'apprentissage se développe beaucoup, avec un accès aux poids lourds (permis C) à partir de 21 ans.
Certains jeunes sont séduits et tentent le permis. Mais le futur chauffeur compte sur les heures supplémentaires pour doper sa paye, mais constate déjà qu'il fera un métier "très règlementé sans avoir forcément les avantages qui vont avec".
Une partie de la solution se décide actuellement entre les transporteurs et les syndicats. Dans des négociations tendues, les représentants des salariés demandent notamment des mesures pour améliorer la santé et le bien-être des routiers, et une revalorisation de 10 % des salaires, qui démarrent au Smic.
Les organisations patronales se sont plutôt positionnées sur 3,5 à 4,5 % d'augmentation, selon la CFTC. Alors la CGT et CGT-FO ont quitté la table des négociations, laissant planer la menace de mobilisations avant Noël.
"Si on est dans des sous-métiers […] il faut qu'ils le disent", lance Thierry Douine pour la CFTC. "La pyramide des âges est très forte dans les transports […] On va avoir des difficultés, comme on l’a vu avec le Brexit. On demande un équilibre vie professionnelle-privée. Personne ne veut travailler tous les week-ends, toutes les nuits, toutes les vacances… On veut des roulements pour que les gens aient une qualité de vie au travail."

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