Ports de Normandie : le transmanche souffre, les EMR décollent

Près de trois ans après la naissance de Ports de Normandie (PN), l’instance qui gère les ports de Cherbourg (Manche), Caen (Calvados) et Dieppe (Seine-Maritime) vit une deuxième année perturbée de suite en raison du Brexit, ce qui impacte donc les échanges transmanche, son principal fer de lance. En revanche, les trafics liés à l'éolien offshore s'apprêtent à décoller.
Ports de Normandie compte, avec Philippe Deiss, son directeur général originel, son plus ardent défenseur. "À ceux qui douterait encore de la pertinence de notre existence, je veux donner trois exemples récents. D'abord, seul, le port de Dieppe ne pourrait prétendre intégrer ce que l’on appelle le réseau global européen des ports.

Ensuite, la survenue du Brexit a rapproché nos trois ports et leurs exploitants qui ont adopté les mêmes mesures pour leur plus grand bénéfice. Enfin, sans l’exemple de la régie dieppoise, nous n’aurions pas créé à Cherbourg une société publique locale qui gère quasiment en direct les terminaux", rappelle-t-il.

140 millions d'euros pour les trois ports

L'Autorité portuaire née en janvier 2019 et toujours présidée, après les dernières élections, par Hervé Morin, président de la Normandie, vient d'adopter son premier PPI (programme pluriannuel d’investissements). "Ce programme a été voté par l'ensemble des collectivités territoriales, décliné par port mais défini par filière", précise Philippe Deiss. Portant sur les années 2022-2024, son montant est des plus conséquents : 140 millions d’euros pour les trois ports, dont 58 millions pour chacune des deux prochaines années.

L'explication est simple. Cette période sera marquée par deux gros chantiers d’infrastructures. Le remplacement du Pont de Colombelles en amont des bassins intérieurs du port de Caen-Ouistreham (20 millions) et la rénovation du pont Colbert à Dieppe (13 millions).

S’ajoutent d'autres opérations lourdes comme le terminal ferroviaire de Cherbourg, le démarrage dans quelques jours de la construction de la base de maintenance du futur parc éolien de Courseulles dans l’avant-port de Ouistreham, le renforcement des terre-pleins à Cherbourg pour recevoir les pièces d’éoliennes ou encore le confortement du quai de Norvège et les travaux sur le brise-houle à Dieppe.

Les trafics du "Landbridge"

Quelles ont été les grandes tendances de l’année qui se termine ? D’abord des relations très difficiles entre l'Angleterre et la France. Traduction en chiffres : à fin août, les trois ports normands enregistraient globalement une baisse de 50 % pour le trafic de passagers et de 20 %. Avec des disparités entre les trois sites. Par exemple pour les marchandises, la chute était de 7 % à Caen, 23 % à Dieppe et 72 % à Cherbourg, pénalisé par des rotations tombées à une escale par semaine.

Commentaire du directeur de PN : "C'est lourd pour les armements comme Brittany Ferries qui n’a en plus pas obtenu de feu vert pour la ligne multimodale au départ de Cherbourg. C'est lourd aussi pour nous qui devons réadapter les dispositifs mis en place notamment en matière de contrôles".

Dans ce contexte une bonne nouvelle vient en partie contrebalancer les effets négatifs du Brexit. Les relations avec l’Irlande explosent. Cherbourg qui voyait transiter 35.000 poids lourds par an en 2019 en prévoit 100.000 cette année. "Avec Dunkerque, nous nous partageons les trafics dits du Landbridge qui transitaient avant par l'Écosse et l'Angleterre", analyse Philippe Deiss.

Les EMR pourvoyeuses de trafic

Autre bonne nouvelle qui devrait notamment profiter à Cherbourg : l’accélération des trafics liés aux projets de parcs éoliens en mer, qu'il s'agisse de pièces de machine ou de granulats pour leurs fondations. Ainsi Cherbourg accueillera les matériaux nécessaires à Saint-Brieuc et des accords viennent d’être signés avec Engie pour la construction à Dieppe de la base de maintenance du parc prévu au large du Tréport, sans oublier bien sûr les projets les plus avancés de Fécamp et Courseulles.

Qu’en est-t-il enfin des trafics conventionnels sachant qu’aucun des ports de PN ne sera jamais concerné par les échanges conteneurisés ? "L’analyse est très compliquée. Nous avons accueilli davantage de bateaux ce derniers mois. C’est lié au développement des énergies marines renouvelables. En revanche, en tonnage nous reculons de 6 %. Nous étions à 920.000 tonnes en 2019 et à 580.000 tonnes fin août. Les volumes sont majoritairement générés par les granulats marins à Dieppe et les céréales à Caen, des trafics à faible valeur ajoutée", minimise Philippe Deiss.

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