La Cour des comptes européenne estime que les objectifs de trafic d’ici 2050, du fret ferroviaire et fluvial, sont irréalistes et irréalisables. Son dernier rapport sur le report modal recommande la mise en œuvre d’une stratégie européenne consacrée à l’intermodalité.
La "Stratégie pour une mobilité durable et intelligente", a détaillé les conditions pour atteindre la neutralité carbone dans les transports de fret en Europe d’ici 2050. Publiée par la Commission européenne en décembre 2020, elle a fixé un cap, en matière de développement du rail et de la voie d’eau, misant sur un report modal significatif, de la route vers ces deux modes.
Dans ce cadre, les trafics ferroviaires devraient augmenter de 50 %, d’ici dix ans (2030), et de 100 %, d’ici 2050. Quant à ceux du fluvial (et du transport maritime à courte distance), ils progresseraient de 25 % en une décennie et de 50 % à l’horizon 2050.
La dernière étude consacrée à l’intermodalité, réalisée par la Cour des comptes européenne, a considéré ces projections "irréalistes". D’après elle, l’organisation actuelle, du marché européen des transports de fret, ne permettrait ni au rail, ni à la voie d’eau de concurrencer la route.
Absence de stratégie
Trois raisons principales empêcheraient d’atteindre les ambitions fixées par la Commission européenne, selon la Cour des comptes. La première serait l’absence de plan dédié à l’intermodalité.
"Aucune stratégie européenne spécifique en faveur de l’intermodal n’a été établie", a-t-elle constaté. À ses yeux, les objectifs "isolés" de l’Union européenne, en faveur d’une utilisation accrue du rail, d’un côté, et de la voie d’eau, de l’autre, ne constitueraient pas une stratégie intermodale.
Son rapport a critiqué, en outre, l’absence d’obligations, pesant sur les États membres, pour augmenter leur report modal. Il a déploré, aussi, le manque d’harmonisation des actions et mesures en faveur du report modal dans chaque État membre.
La deuxième raison évoquée par la Cour des comptes européenne a concerné "le manque d’attractivité de l’intermodalité". Citant le cas de la directive sur le transport combiné, adoptée en 1992, elle a estimé que "les règles européennes visant à promouvoir d’autres modes que la route sont obsolètes ou contre-productives".
À la décharge de la Commission européenne, le rapport souligne que cette dernière "a tenté, à plusieurs reprises, de réviser la directive sur le transport combiné, mais n’a pas obtenu l’accord des États membres".
Infrastructures perfectibles
Enfin, la Cour a critiqué les retards, pris par les mêmes États membres, pour adapter leurs infrastructures de transport à ses recommandations. Elle indique, par exemple, que "seule la moitié des corridors centraux du Réseau transeuropéen de transport (RTE-T) acceptent des trains d’une longueur supérieure à 740 mètres".
Cette évolution est considérée comme un moyen d’améliorer la compétitivité du rail par rapport à la route. L'absence de visibilité sur les capacités des terminaux européens multimodaux, existants et à venir, freinerait également le lancement de nouveaux services intermodaux, selon la Cour des comptes.