Comment la voile fait-elle son retour dans le transport maritime de marchandises ?
Éric Foulquier : Au début, c'est très artisanal, une affaire de copains, de gens éthiquement convaincus, avec des vieux gréements qu'on refait naviguer pour transporter du rhum, du sucre... L'idée, c'est d'aller moins vite, c'est une forme d'altermondialisation.
Il y a aussi beaucoup de marketing. Le transport à la voile évoque tout un imaginaire, celui du retour à la grande navigation à voile, les clippers de la fin du XIXe.
Mais, pour l'instant, du fait du coût élevé de cette navigation, il est cantonné dans des produits à haute valeur ajoutée. On n'est pas du tout dans la phase de démocratisation du transport international, tel qu'a pu le mettre en place le conteneur.
Le navire vélique propose l'inverse : un transport décarboné de quantité bien moindre. Ce sont de petites unités (1.000 t d'emport pour le cargo de la compagnie Towt) et des conditions logistiques qui ne sont pas forcément celles du conteneur.
Justement, comment le transport vélique marque-t-il une rupture par rapport à la logique de massification du transport maritime liée au conteneur ?
E. F. : Le conteneur a imposé une norme basée sur le gigantisme avec pour vocation de se polariser sur un certain nombre de ports, de plus en plus grands.
Il y a un tout un tas de ports secondaires qui "trafiquaient" des conteneurs et voient leur trafic se stabiliser au mieux, voire s'éroder au profit des grands points de massification, comme Anvers, Rotterdam et puis, dans une moindre mesure, Marseille et Le Havre.
La conteneurisation, fondée sur la massification et les volumes, a modelé le paysage portuaire actuel. Le transport à la voile propose au contraire des tout petits volumes. Donc il y a un problème. On est en train de construire des navires véliques, mais où vont-ils aller ? Dans quels ports ?
Le développement du transport à la voile ne peut-il pas aussi être une opportunité pour les ports secondaires ?
E. F. : Il est évident qu'il ne remplacera pas les porte-conteneurs, mais il peut trouver une place en complément des conteneurs sur des ports secondaires.
Avec ses petites quantités, des marchés exotiques, des produits d'épicerie, de luxe, bio, il sera pertinent dans les ports de proximité, qui vont toucher des villes moyennes. Il y a une géographie de ports moyens, décentralisés, qui sont à la recherche de trafics, comme Bayonne, Les Sables-d'Olonne, Lorient ou Brest. Cela touche aussi les plus "petits" des grands ports maritimes, comme Nantes, Bordeaux et La Rochelle.
Car à quoi bon décarboner le transport transatlantique si, derrière, vous devez débarquer à Dunkerque ou au Havre, et ensuite faire 1.000 km en camion pour atteindre vos clients ? Dans l'idéal, il faut que ces marchandises soient déposées au plus près des centres de consommation. L'intérêt des ports décentralisés est leur positionnement au cœur des villes. Les ports doivent inventer un terminal vélique, avec des équipements, services et une économie dédiés.
La rédaction (avec l'AFP)
>>> Lire aussi : Transport à la voile : quand l’évidence advient
[Propulsion vélique 1/2] Douze ans pour installer 24 voiles mais seulement un an pour 24 de plus
[Enquête Propulsion vélique 2/3] Marfret, CMN : Retour sur expériences véliques
[Enquête Propulsion vélique 3/3] Ayro, CWS, Chantiers de l'Atlantique : les fabricants déploient leurs ailes
Zéphyr & Borée vient de signer pour la commande de cinq premiers porte-conteneurs à voile
[Entretien] Guillaume Le Grand, TOWT : « Nous avons établi une tarification claire et simple qui rompt avec l’opacité »
Levée de fonds réussie de 19,2 M€ pour le fabricant de solutions véliques Ayro
Louis Dreyfus Armateurs va commercialiser un porte-conteneurs à voile
Propulsion vélique : changement d’échelle pour TOWT
Le vent, carburant de demain... à condition de convaincre
[Entretien] Guillaume Le Grand, TOWT : « Nous proposerons un taux de fret de 50 centimes par kg sur un trajet transatlantique