Le groupe d’hypermarchés Walmart a la réputation d’être une machine bien huilée, offrant à ses millions de consommateurs un large éventail de produits à prix cassés. Les 4 600 magasins américains sont régulièrement alimentés par une flotte de 6 500 camions, conduits par 8 000 chauffeurs.
Walmart dispose de l’une des cinq plus grandes flottes privées du pays et s’en sert très efficacement pour remplir ses 190 centres de distribution. Des centres qui vont ensuite dispatcher les produits vers les 100 à 150 hypermarchés les plus proches. Sa branche e-commerce, en revanche, laisse à désirer.
L'enseigne a réalisé l’an dernier 13,7 milliards de dollars de chiffre d’affaires sur la toile, soit 12 % de ses ventes. Pour toute autre entreprise, ces 13,7 milliards de dollars paraîtraient énormes, mais comparés aux presque 100 milliards du concurrent "pure player" Amazon, ils semblent légers.
Walmart peut, et veut, mieux faire. C’est la raison pour laquelle le groupe a créé 8 centres de distribution spécialisés en e-commerce et qu’il a demandé à 80 magasins Supercenters de jouer eux aussi le rôle de centres de distribution pour les commandes en ligne.
L’alternative de la Silicon Valley
Objectif : aller plus vite. Un programme pilote pour les abonnés payant 49 $ à l’année propose ainsi une livraison gratuite à domicile dans les 2 jours. Depuis le mois d’avril, Walmart offre de même la formule "click and pick". Plus de 50 villes américaines en bénéficient. Le client fait ses courses en ligne et vient les chercher plus tard en magasin.
Mais que faire pour ceux qui réclament la livraison à domicile ? C’est ce que les professionnels ont baptisé le "dilemme du dernier kilomètre". Comment amener la marchandise chez le client… sans se ruiner ? Là encore, la direction de Walmart a décidé de tester cet été les alternatives offertes par les nouveaux acteurs de la Silicon Valley.
Le géant fait en effet appel aux chauffeurs d’Uber à Phoenix dans l’Arizona et demande aux conducteurs de son concurrent Lyft de faire leurs preuves à Denver dans le Colorado. Il y a en plus un programme pilote en cours depuis le mois de mars avec Deliv, à Miami en Floride. Deliv promet une livraison le jour même aux clients de Sam’s Club, la filiale de Walmart proposant une large gamme de produits à ses PME adhérentes.
Transparence pour le client
Le système mis en place avec Uber, Lyft et Deliv commence à la maison. Le consommateur passe commande sur Internet et choisit une plage horaire pour la livraison, qu’il paie 7 à 10 dollars directement à Walmart. Les employés du magasin remplissent le panier du client puis appellent le chauffeur qui amènera la commande chez le client.
Les stratèges de Walmart n’ont pas voulu expliquer le choix des 3 villes tests. Les observateurs de la société d’analyse 1010 Data ont cependant remarqué la familiarité des habitants de Denver et Phoenix avec Uber. Au plan national, 12,4 % des consommateurs utilisent Uber et ses concurrents.
À Denver et Phoenix, ils sont beaucoup plus : 17,4 %. Ces clients ont l’habitude de grimper dans la voiture Uber plutôt que d’appeler le taxi. Cela les incitera à faire de même pour les courses. Dans la foulée, Walmart testera des géographies très différentes. Denver est perché dans les montagnes, Miami est une zone urbaine dense, en bord de mer. De quoi expérimenter pendant plusieurs mois les possibilités du dispositif.
Des options trop modestes ?
Mais, se demande Satish Jindel, le président de ShipMatrix, développeur de logiciels pour les transports, Uber et Lyft seront-ils à la hauteur ? "Ils n’en ont pas la capacité", assure-t-il. Celui-ci a fait de rapides calculs. Amazon livre plus de 3 millions de paquets par jour. Walmart pourrait donc sans se forcer envoyer 100 000 paquets au quotidien.
"Les 3 options proposées sont trop modestes, dit Satish Jindel. Uber et ses confrères pourront transporter 5 000 colis, voire 10 000 par jour, mais pas plus." Uber se repose en effet sur un réseau de particuliers qui décident de faire les chauffeurs quand cela leur plaît. On peut douter de la capacité de la start-up à livrer de grandes quantités en période de pointe.
La direction de Deliv se dit mieux préparée. L’entreprise, installée sur le créneau du B to B, travaille elle aussi avec des particuliers. Mais elle demande à ses chauffeurs de bloquer à l’avance certaines tranches horaires durant lesquelles ils pourront être appelés. Le conducteur est toujours maître de son emploi du temps, mais Deliv a les moyens d’anticiper. Cela suffira-t-il ?
Satish Jindel n’y croit pas. "WalMart devrait plutôt utiliser les professionnels du secteur, la poste, UPS et Fedex qui ont les personnels et équipements nécessaires, suggère-t-il. Certains acteurs régionaux feront aussi l’affaire, tel Lasership sur la côte est, LSO dans le Sud-Ouest ou OnTrac sur la côte ouest." Il faut décidemment mettre en œuvre de grands moyens pour franchir le dernier kilomètre.