La législation en matière de lutte anticorruption se durcit pour les entreprises françaises. La loi Sapin 2, relative à la transparence économique, adoptée définitivement par l’Assemblée Nationale le 8 novembre dernier, se caractérise notamment par trois nouvelles mesures de lutte contre la corruption :
- la création d’une agence française anticorruption ;
- l’obligation pour les entreprises de mettre en œuvre un programme de prévention de la corruption ;
- et la possibilité de signer une convention judiciaire d’intérêt public pour les entreprises qui révéleraient un délit de corruption aux autorités publiques.
Chacun est concerné
"Toutes les entreprises de plus 500 salariés et réalisant un chiffre d’affaires de 100 millions d'euros sont directement concernées par cette loi. Mais les plus petites sont aussi touchées indirectement puisque la loi qui s’applique aux grands groupes leur impose de vérifier que leurs fournisseurs disposent d’un programme anticorruption adapté à leur propre risque", indique Anne Le Rolland, Pdg d’Acte International.
La loi Sapin 2 fait suite à l’adoption, en octobre dernier, au niveau international, d’une nouvelle norme anticorruption ISO 37001 établissant un cadre de référence pour toute entreprise qui entend soit se doter d’un dispositif anti-corruption, soit évaluer le sien.
Tous les acteurs potentiellement corruptibles
Pour se préserver ainsi de la corruption, les entreprises doivent d’abord prendre conscience que "tous les maillons de leur supply chain internationale des entreprises représentent un risque de corruption", selon Anne Le Rolland.
Des négociateurs (acheteurs ou commerciaux export) aux prestataires logistiques (transporteurs, logisticiens, sociétés de manutention…) en passant par les intermédiaires (agents importateurs, distributeurs locaux, traders…), les fournisseurs, les clients, les sous-traitants de contrôle qualité et bien sûr les administrations de contrôle (douanes…), tous les acteurs de la supply chain sont ainsi potentiellement corruptibles.
"Les formes de corruption les plus courantes se traduisent par des certificats de contrôle qualité ou des lettres de connaissement maritimes falsifiées, une mauvaise nomenclature douanière, de fausses attestations de conformité, des valeurs de factures minimisées, des passe-droit en sortie de port… le maillon faible majeur reste le commissionnaire en douane", souligne la dirigeante.
Ainsi, le transitaire suisse Panalpina a été épinglé en 2010 par la justice américaine pour fraude douanière en accord avec les autorités nigérianes afin de bénéficier de tarifs douaniers préférentiels. Il a été condamné à 82 millions de dollars d’amende et à la fermeture de son agence sur place, ce qui lui a procuré une perte de 290 millions de dollars de chiffre d’affaires.
Prévenir en cartograpiant les risques
L’Américain Avery Dennison, spécialisé dans les emballages et l’étiquetage a, lui, été condamné à une amende de 500 000 $ pour avoir soudoyé les agents chinois, indonésiens et pakistanais afin d’accélérer les formalités douanières en entrepôt. Enfin, l’entreprise chinoise Lai Changxing, diversifiée dans les cigarettes, les voitures ou le pétrole, a vu son dirigeant condamné à la prison à vie en 2012 pour une fraude fiscale adossée à la corruption.
"Pour éviter ces fâcheux désagréments, les entreprises doivent prévenir la corruption en cartographiant les risques au niveau des compétences internes, de leur politique RSE, des pratiques de sourcing ou de prospection des marchés, des opérations douanières et logistiques, des pratiques d’achat et financières", conclut Anne Le Rolland.