Logistiques Magazine : Vous venez de publier les résultats d’un panorama complet des emplois de la supply chain. Pour quelles raisons Afilog s’est lancé dans ce projet ?
Claude Samson : Deux raisons essentielles à cela : pour parler de la logistique dans les cabinets ministériels, le prisme de l’emploi est plus accrocheur que les autres aspects du secteur. D’autre part, pour avoir un minimum de crédibilité, les chiffres que l’on annonce doivent pouvoir être sourcés correctement, avec le périmètre précis qu’ils recouvrent, etc. Or, il n’existait pas, jusqu’à présent, de source fiable pour mesurer l’emploi dans le transport et la logistique. Il y avait certes l’Insee mais qui ne comptabilisait ces emplois qu’en fonction des codes NAF des entreprises. Seuls les emplois de la logistique pour compte d’autrui étaient donc répertoriés… Toutes les fonctions supply chain au sein des entreprises des autres secteurs n’étaient pas prises en compte…
L.M. : Comment avez-vous procédé ?
C. S. : Nous avons commencé par nous rapprocher de différentes organisations telles que l’Aslog, TLF, la FNTR, Pile’s, mais aussi Klesia et la DRIEA Ile de France. Nous avons également capitalisé sur les données existantes, (SOeS, OPTL, Panorama des acteurs d’Aslog) pour nous aider à mesurer le poids de l’emploi logistique dans notre économie et enfin porter cette information dans le cadre du projet France-Logistique 2025 du gouvernement.
Ensuite, nous avons déterminé un périmètre d’étude. Nous avons ainsi intégré tous ceux qui traitent les flux depuis le fournisseur du fournisseur jusqu’au client du client. Car la logistique, ce n’est pas seulement du transport et de l’entreposage, comme le supposent les champs d’analyse de l’Insee. La logistique est une fonction transversale, présente dans tous les secteurs d’activité.
Dans un premier temps, nous nous sommes concentrés uniquement sur l’aspect quantitatif de cet emploi et non sur le qualitatif. Etant donné l’ampleur de la tâche, nous verrons dans les prochaines éditions si nous pouvons enrichir le panorama de ces éléments.
Pour la logistique pour compte d’autrui, les chiffres n’ont pas été trop difficiles à trouver, puisqu’il y avait ceux de l’Insee, obtenus grâce aux codes NAF. Pour la logistique en compte propre, il a fallu trouver un autre moyen… En utilisant les données existantes (notamment celles de l’Aslog), nous avons pu établir une liste de 24 métiers liés à la supply chain, que nous avons ensuite pu repérer dans les entreprises des différents secteurs d’activité. Nous avons ainsi comptabilisé 1,285 million d’emplois directs (765 000 pour la logistique en compte propre et 520 000 pour la logistique pour compte d’autrui) auxquels nous avons ajouté 322 000 emplois indirects, représentant les fonctions support, selon des pondérations plus ou moins importantes, selon les secteurs.
L.M. : Vous annoncez donc 1,6 million d’emplois dans le secteur du transport et de la logistique, soit 11% des emplois français (10% si l’on intègre les DOM)… Quels sont les autres chiffres marquants dévoilés dans votre panorama ?
C. S. : Sur ce 1,6 million d’emplois, 90% sont occupés par des contrats à durée indéterminée, 7,5% par des contrats à durée déterminée. 93% de ces emplois sont des temps complet. 6% sont des cadres, quand 80% ont le statut d’ouvrier. Nous avons également noté que les femmes représentent moins de 20% de la population transport et logistique…
Autre fait marquant relevé par notre étude, il va falloir, dans les années qui viennent, se préoccuper de la pyramide des âges des emplois de la supply chain : 60% de cette population a entre 40 et 60 ans. La question de la pénibilité au travail et du renouvellement des effectifs ne va donc pas tarder à se poser… D’autant que cela concerne l’ensemble des secteurs d’activité.
L.M. : Quelle suite donner à ce panorama ?
C. S. : Ce premier travail va nous permettre de faire comprendre aux décideurs publics, qu’une mesure ne semblant concerner uniquement le secteur du transport et de la logistique, aura également un impact sur d’autres secteurs, comme la grande distribution, l’industrie, puisque leur activité dépend également de la supply chain, ainsi que 765 000 emplois qui n’étaient, jusqu’à présent, peu ou pas pris en compte…