"Un accord historiquement scandaleux", une "capitulation en rase campagne"... L'OTRE sort l'artillerie lourde pour dénoncer le compromis auquel sont parvenus les ministres européens du Travail sur la révision de la directive concernant les travailleurs détachés.
Constatant que le texte "consacre l'exclusion provisoire des nouvelles règles pour le transport routier, l'organisation patronale française estime que ce "demi-accord plombe une fois de plus une activité qui, comme celle du bâtiment et de l'agriculture, avait besoin d'être défendue".
La FNTR et TLF ne tapent pas aussi fort, mais laissent poindre des réserves. "En attendant d'éventuelles dispositions spécifiques, il est impératif que le gouvernement français précise comment est vérifié le paiement effectif du salaire français à un conducteur européen ayant réalisé soit un cabotage soit un transport international sur le territoire français", réclament les deux organisations professionnelles.
La clé de toute réglementation, et particulèrement celle sur le #detachement, c'est le contrôle effectif du paiement au salaire français! https://t.co/TS7Br0hfJO
— BERTHELOT (@FlBerthelot) 24 octobre 2017
"Des citoyens de seconde zone"
Du côté des salariés, la déception est également de mise. Pour la Fédération européenne des travailleurs du transport (ETF), la décision fait des chauffeurs routiers "des citoyens de second zone de l'Union européenne", offrant "une porte de sortie facile pour les sociétés de transport qui veulent accéder à des marchés domestiques du transport routier en pratiquant le dumping social sur les salaires".
La révision de la directive devrait entrer en vigueur dans 4 ans, l'accord prévoyant 3 ans pour la transposition et un an pour la mise en oeuvre. À cette échéance, "les salariés détachés de tous les secteurs pourront bénéficier de la rémunération globale du pays dans lequel ils travaillent, à l'exception des chauffeurs routiers qui ne pourront prétendre qu'au salaire minimum", sans les autres éléments de rémunération, regrette l'ETF, qui voit là "un pas en avant pour légaliser l'exclusion du transport routier du champs des travailleurs détachés".
Une position française fragilisée sur le Paquet Mobilité
Comment en est-on arrivé là ? Pour l'OTRE, "la France et les pays de l'Ouest ont capitulé en rase campagne devant la pression et les exigences des pays d'Europe centrale (Hongrie, Pologne, République tchèque et Slovaquie) et de la péninsule ibérique". Un repli qui, selon elle, fragilise la position française dans les négociations du Paquet Mobilité. "Depuis l'origine, la France défendait l'application de cette nouvelle directive aux activités de transport routier. Mais rien ne garantit l'issue des discussions du paquet routier en ce sens, surtout en l'état actuel du dossier", juge l'OTRE, demandant en conséquence "l'application des règles françaises issues de la loi Macron de 2015" et un net "renforcement des moyens pour a minima contrôler plus efficacement le cabotage".
L'ETF, de son côté, estime également qu'il est "difficile de rester positif" sur les négociations du paquet Mobilité. "Notre semaine d'action qui commence le 20 novembre le montrera", annonce le président de la section Route, Roberto Parrillo.
Les premières réactions politiques
La délégation socialiste française au Parlement européen a fait savoir dans un communiqué qu'elle lutterait "pour corriger cet accord au rabais", qui "crée les conditions d’un dumping social légalisé dans les transports et d’une discrimination intolérable entre les travailleurs détachés selon leur secteur d’activité".
Karima Delli, députée EELV et présidente de la commission Transport du Parlement européen, se montre moins virulente, parle de l'accord du conseil comme d'une première étape qui ne doit pas oublier les transports.
#travailleursdetaches L'accord trouvé hier par le Conseil est une 1ère étape, l’Europe sociale ne doit pas se faire sans les transports! https://t.co/UAQ4x2qCLl
— Karima Delli (@KarimaDelli) 24 octobre 2017