TotalEnergies contraint à déprécier ses actifs russes mais sans abandonner ses participations

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Le groupe énergétique français a provisionné 4,1 Md$ dans ses comptes au 31 mars en lien avec son projet de gaz naturel liquéfié Arctic LNG 2 mais sans abandonner ses participations. En dépit de cette provision, elle a publié en fin de semaine dernière des résultats en forte progression au premier trimestre, grâce à la hausse des prix du gaz et du pétrole.

À l’instar de ses homologues engagés dans des projets russes, le groupe pétrolier français n’échappe pas à la dépréciation de ses actifs russes pour se conformer aux sanctions adoptées par l'Union européenne contre Moscou, notamment celle du 8 avril interdisant entre autres l'exportation depuis le territoire de l'Union européenne de biens et technologies destinés à la liquéfaction du gaz naturel au profit d'une société russe.  

TotalEnergies a ainsi provisionné 4,1 Md$ dans ses comptes au 31 mars en lien avec son projet de gaz naturel liquéfié Arctic LNG 2. Une somme sans commune mesure avec la dépréciation de son concurrent britannique BP qui doit encaisser une perte trimestrielle historique de plus de 20 Md$.  

Gazprom, Rosneft, Novatek étant épinglés par les sanctions occidentales en réaction à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les compagnies pétrolières associées dans de nombreux projets avec ces entreprises se sont retrouvées dans le collimateur des autorités. BP avec Rosneft. Shell avec Gazprom. Equinor avec Rosneft. TotalÉnergies ou Technip Energies avec Novatek. Engie avec Nord Stream 2... les groupes pétroliers et gaziers ont successivement annoncé leur désengagement.  

Retrait particulièrement onéreux 

La major française, qui est sans doute la plus engagée sur un plan financier et capitalistique en raison de ses projets dans l’Arctique russe, a créé la polémique en donnant l’impression de renâcler. Novatek, premier producteur privé de gaz naturel de Russie, est à l’initiative d’un ensemble d’unités de liquéfaction en Sibérie. Son premier projet, Yamal LNG, sur la péninsule de Yamal, en service depuis 2017, a récemment porté sa capacité nominale à 20 Mt par an. Un second, Arctic LNG 2, dont la première ligne de liquéfaction devrait être mise en service en 2023, aura une capacité annuelle équivalente et est prioritairement destiné à fournir l’Asie. 

Le groupe énergétique français détient une participation de 20 % dans Yamal LNG et de 10 % dans Arctic LNG 2 tout en étant par ailleurs actionnaire de Novatek à hauteur de 19,4 %. TotalEnergies avait indiqué le 22 mars qu'il renonçait à tout achat de pétrole, gazole et produits pétroliers russes d’ici la fin de l'année et qu’il ne s'engagerait plus dans de nouveaux projets gaziers russes, ce qui questionne le financement supplémentaire prévu dans le cadre de Arctic LNG 2 pour achever deux autres trains de liquéfaction. 

Hervé Baudu : « le retrait européen des projets arctiques russes sera chèrement payé »

Des intérêts financiers et capitalistiques

« La société française a des intérêts de deux ordres en Arctique : à la fois de propriété sur ses investissements et dans les contrats d’approvisionnement de long terme. C’est dire que Total a droit à un pourcentage de la production de Yamal à des taux préférentiels, sur une certaine quantité, pendant vingt ans. Au-delà du manque à gagner réel, l’entreprise devra s’approvisionner sur d'autres marchés, là où les prix ne seront pas tout à fait les mêmes. La perte sèche peut affecter une part significative de son chiffre d'affaires », expliquait Hervé Baudu, professeur à l’ENSM et grand connaisseur des routes maritimes arctiques, dans un entretien pour le JMM.

Le groupe français, implanté en Russie depuis le début des années 1990 où il produit 16,6 % de ses hydrocarbures et 30 % du gaz, n’évoque toutefois pas un abandon de ses participations, « faute de trouver un acheteur non russe pour les racheter dans le contexte actuel », avait indiqué le PDG Patrick Pouyanné en mars à l’AFP, expliquant en outre contre-productifs ces choix. 

Un résultat net ajusté en hausse de 6 Md$ en un an

Malgré cette dépréciation, TotalEnergies a publié en fin de semaine dernière des résultats en forte progression au premier trimestre, grâce à la hausse des prix du gaz et du pétrole. Le baril s’est envolé à des niveaux historiques depuis l'offensive russe en Ukraine, grimpant à 139 $ le baril avant de se stabiliser ces derniers jours autour de 110 $, tandis que les prix du gaz en Europe et en Asie ont dépassé le 30 dollars par Mbtu [1 000 British thermal unit, ndlr] sur le trimestre. 

Le groupe a dégagé un résultat net de 4,9 Md$ versus 3,34 Md$ sur la même période de 2021 tandis que le résultat net ajusté (qui retraite certains éléments comme les stocks de pétrole et les participations financières) est passé de 3 à 9 Md$ en un an. Le résultat opérationnel est ainsi ressorti à 9,46 Md$ (3,49 Md$ au premier trimestre de 2021), dont 5,02 Md$ pour l'exploration-production. 

La division Integrated Gas, Renewables & Power, qui comprend notamment le GNL et l'électricité, profite d’une dynamique comparable, à 3,05 Md$ après 985 M$ au premier trimestre 2021. 

15 Md$ d’investissements

TotalEnergies entend réaliser 15 M$ d’investissement en 2022, dont 25 % dans les renouvelables et l'électricité. Dans le GNL, il est question de renforcer son « alliance stratégique avec Sempra pour développer au Mexique le projet Vista Pacifico LNG » tandis qu’un protocole d’accord été signé avec Sempra, Mitsui, Mitsubishi et NYK pour le lancement du projet d’extension de Cameron LNG d’une capacité de production de 6,75 Mt de GNL par an.

Adeline Descamps 

 

 

  

 

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