La Chine « triche » mais « nous n'allons pas [la] laisser inonder notre marché » a affirmé le 14 mai le président américain Joe Biden pour justifier une augmentation des droits de douane sur plusieurs produits et composants, considérés comme stratégiques, au premier rang desquels les véhicules électriques (VE), les semi-conducteurs ou encore les batteries. La révision des tarifs douaniers a fait l'objet d'une annonce lors d'une conférence de presse à la Maison Blanche.
Le quadruplement des taxes commerciales sur les véhicules électriques chinois, qui passent de 25 à 100 %, est particulièrement marquante. « ll est impossible pour [nos] constructeurs automobiles de la concurrencer honnêtement », a commenté le président démocrate, en campagne électorale pour sa réélection. Des propos salués par le puissant syndicat des ouvriers de la métallurgie (USW) dans un communiqué.
Le ministère chinois du Commerce a réagi rapidement, estimant que cette résolution « affectera gravement l'atmosphère de la coopération bilatérale » au demeurant déjà fort abîmée depuis la présidence Trump. Plus de 300 Md$ supplémentaires de droits de douanes avaient été imposés par son administration sur des produits chinois importés.
À son arrivée au pouvoir en 2021, Joe Biden les a non seulement maintenus mais il y a ajouté une série de mesures plus ciblées restreignant l'accès de Pékin aux technologies de pointe ou aux investissements américains. Cette revoyure n'en supprime aucun mais augmente ceux existants. Les nouveaux droits de douane affecteront environ 18 Md$ d'importations annuelles, ce qui reste marginale dans le commerce extérieur américain (3 053,5 Md$ d'exportations et 3 826,9 milliards en importations) et au regard des 427 Md$ importés de Chine en 2023, selon les données du département du Commerce.
Des barrières d'une valeur de 18 Md$
En campagne électorale, les deux candidats partagent le protectionnisme pour toute parade face à la menace que représenterait la Chine tant sur le plan économique que sécuritaire.
En avril, Washington avait annoncé l'instauration de droits de douane sur l'acier et l'aluminium chinois et le lancement d'une enquête sur les « pratiques déloyales de la Chine dans la construction navale, le transport maritime et la logistique »
Les barrières douanières sur l'acier, l'aluminium et les batteries passent ainsi de 7,5 à 25 %, et ceux pour les semi-conducteurs de 25 à 50 %, appliqués désormais aux panneaux solaires et à certains produits médicaux.
« Du fait de ses pratiques déloyales, la Chine disposera d'une capacité de production de panneaux solaires qui sera plus de deux fois supérieure à la demande mondiale anticipée à court terme », a indiqué la directrice du Conseil national économique rattaché à la Maison Blanche, Lael Brainard. Des propos rapportés par l'AFP.
Protéger les subventions accordées aux industries
La secrétaire américaine au Trésor, Janet Yellen, avait préparé le terrain en rappelant qu'il était nécessaire, pour l'exécutif américain, de s'assurer que les subventions dégagées dans le cadre de l'IRA – l'Inflation Reduction Act, voté il y a un an avec des centaines de milliards de dollars à la clé pour soutenir le développement des technologies clés dans la transition environnementale –, soient protégés.
Le gouvernement américain a annoncé un investissement de 340 Md$, qui doivent notamment être consacrés au développement de la production nationale de voitures électriques, de batteries pour véhicules mais aussi de panneaux solaires ou éoliennes.
Congestion des terminaux automobiles nord-européens
Pékin dispose d'un plan similaire, injectant des aides publiques conséquentes dans le véhicule électrique tant et si bien que les constructeurs asiatiques se sont retrouvés en surproduction, le marché intérieur n'absorbant plus. Ces surplus se retrouvent sur les marchés étrangers, dont témoignent le volume des importations et l'encombrement des terminaux rouliers européens, ceux de Zeebrugge et Bremerhaven notamment, et ce depuis 18 mois.
Chacun a un avis contrasté sur le phénomène. Parmi les représentants des ports et de l'industrie automobile européenne, la congestion résulterait d'une difficulté à écouler leurs marchandises « encombrantes » sur le marché européen.
Mais pour Mike Sturgeon, le directeur général de l'Association of European Vehicle Logistics, basée à Bruxelles, l'origine de la congestion dans les ports serait liée à plusieurs facteurs, au premier chef, la forte reprise post-Covid du marché automobile, qui a poussé à reconstituer des niveaux élevés de stocks, puis la montée en puissance de la production de véhicules électriques et enfin, une baisse (récente mais marquée) de la demande. « Cela se traduit par des surstocks et ce sont les ports qui en font les frais. »
À cela s'ajouterait, selon le professionnel, un manque de capacités portuaires compte tenu de l'évolution du schéma commercial, d'un système de concessions vers des agences, ce qui supposerait de les stocker plus longtemps dans l'enceinte portuaire.
Adeline Descamps
20 % de toutes les voitures électriques vendues dans l'UE construites en Chine
La Commission européenne a ouvert une enquête début mai sur les pratiques considérées comme déloyales des autorités chinoises, notamment les subventions à certains secteurs, à commencer par celui des véhicules électriques ou de l'acier. À l'issue de l'enquête, l'UE pourrait décider de taxer les véhicules importés de Chine, au-delà des 10 % actuels.
Pour autant, Bruxelles est beaucoup plus réservée que Washington sur le recours aux droits de douane à l'encontre de la Chine, simplement parce que les règles de l'OMC exigeraient qu'elle apporte les preuves que les subventions sont la cause des prix bas des produits chinois.
Par ailleurs, plusieurs pays européens pourraient être particulièrement réticents. Le patron de BMW, Oliver Zipse, était d'ailleurs monté au créneau début mai lorsque Bruxelles a ouvert son enquête. La Chine est en effet un marché crucial pour les constructeurs allemands, qui y sont bien plus implantés que les autres fabricants européens.
Selon une récente étude de l'ONG Transport & Environment (T&E), environ 20 % de toutes les voitures électriques vendues dans l'UE l'année dernière, soit 300 000 unités, ont été construites en Chine. Plus de la moitié étaient le fait de marques occidentales, notamment Tesla, Dacia, BMW.
La constructeur automobile suédois Volvo Cars, propriété du groupe chinois Geely, vend 42 % de sa production en Europe et 24 % en Chine. Il possède trois usines d'assemblage en Chine et deux en Europe, une troisième étant en construction en Slovaquie.
A.D.