85 % des chargeurs utilisent le transport routier pour l’acheminement de leurs marchandises. 44 % des chargeurs estiment que l’offre ferroviaire ne répond pas à leur besoin. Voici les deux chiffres à retenir du dernier baromètre annuel de perception des chargeurs sur le transport ferroviaire. Un document du Eurogroup Consulting présenté le 15 mars lors d'une conférence organisée pendant la SITL.
Un service fiable avant tout
Pour expliquer ce "désamour", le chargeur évoque la nécessité de s’appuyer sur un service fiable, flexible et dont les coûts resteraient compétitifs. "Même si nos usines permettent l’utilisation du ferroviaire, nous ne sommes pas captifs", indique Magalie Jacquinet, acheteuse ferroviaire chez Arcelor Mittal.
En 2016, ce chargeur a produit 40 Mt d’acier en Europe, générant un chiffre d’affaires de 37 Md€. Exploitant deux usines en France, l’une à Dunkerque (6,5 Mt en 2016) et l’autre à Fos-sur-Mer (3,4 Mt en 2016), il organise son plan de transport selon deux types de flux, les flux inter-usines (7 Mt en 2016) et les flux vers les plates-formes de ses clients (1 Mt l’an dernier).
Compte tenu du poids des flux inter-usines, l'organisation supporte mal les aléas. "Si le service n’est pas fiable, il y a un risque d’arrêt de la chaîne de production avec toutes les conséquences que cela implique", soutient Magalie Jacquinet.
Un allié inattendu
Parfois, le ferroviaire trouve des alliés inattendus. Alors que Fabienne Margail, responsable du département hinterland du Grand port maritime de Marseille, reconnaît que "certains trafics ont été dopés par l’arrivée d’opérateurs ferroviaires", d’autres autorités portuaires ont développé une véritable stratégie d’alliance. C’est notamment le cas du port de Barcelone. "Il y a 2 ans, moins de 2 % de notre volume de conteneurs était acheminé par train. Aujourd’hui, ce chiffre atteint de 12 %", compare Jordy Torrent, responsable stratégie du port de Barcelone.
En parallèle, le port a diversifié son portefeuille de liaisons ferroviaires et propose aussi des services de courte distance à des prix concurrentiels. "Ces 10 dernières années, les coûts de transport sur notre liaison de 300 km entre Barcelone et Saragosse ont diminué de 30 %", revendique Jordy Torrent.
Jouer des coudes sur le transit time
Néanmoins, le développement de service ferroviaire sur des plates-formes portuaires met mécaniquement en concurrence les deux modes de transport. "Très vite, en maritime, l’enjeu central est le transit time, en particulier dans les ports congestionnés", souligne Fabienne Margail. Un challenge démultiplié à l’arrivée d’une liaison ferroviaire. "Il y a 2 ans, un client a décidé de dévier son trafic sur le port de Barcelone et voulait que sa marchandise soit acheminée à Madrid en 24 h. À l’époque, nous avions répondu qu’en 48 h, ce serait possible. Aujourd’hui, nous le faisons en 12 h", se souvient Jordy Torrent.
Des trains mixtes
Dernier levier évoqué : la mixité des trains. "Il est actuellement difficile d’avoir suffisamment de volume pour assurer trois trains par semaine avec des taux de remplissage d’au moins 85 %. La mixité des trains pourrait justement permettre de créer de la capacité", estime Dominique Denormandie, président du Groupement national des transports combinés (GNTC).
Une idée qui impose d’aménager localement les infrastructures. "Certains de nos trains sont remplis d’un tiers de semi-remorques et de deux tiers de remorques. Aux deux extrémités de la ligne, les terminaux sont conçus pour accueillir ces deux types de trafics", explique Thierry Le Guilloux, président de VIIA.