Le succès ne se dément pas pour les journées fret ferroviaire organisées par l’association Objectif OFP. Non moins de 350 participants ont assisté à cette grand-messe du fret ferroviaire à la mairie de Levallois-Perret le 15 novembre 2018. C’est bien la preuve que les attentes sont toujours aussi fortes quant au développement de ce mode de transport.
Part de marché en berne
Pourtant, les données chiffrées montrent bien qu’il existe toujours un écart flagrant entre les déclarations d’intention de recours accru au rail et la réalité. L’année 2017 a, certes, été marquée par un trafic en hausse de 2,7 % au plan des tonnes/km transportées mais, surtout, par une baisse de part de marché. À 9 % seulement, cette part est identique à celle enregistrée en 2008 !
Et Pascal Sainson, président de l’AFRA – Association Française du Rail – de citer les freins au développement du fret ferroviaire : "concurrence déséquilibrée de la route, qualité d’accès au réseau qui reste problématique, manque d’investissement pour la rénovation et le renouvellement des voies et des voies de service non entretenues avec un coût d’accès démesuré". Poursuivant son propos sur une note plus optimiste, Pascal Sainson ajoute que "le secteur ferroviaire va connaître des mutations qui devraient, nous l’espérons, lui permettre de rebondir"
Pour cela, toutefois, les actions prioritaires proposées par l’AFRA doivent être suivies d’effet. Ainsi en est-il de la garantie donnée aux entreprises ferroviaires d’obtenir, enfin, une qualité d’accès au réseau avec un niveau de péage supportable. Il convient, aussi, d’opérer un rééquilibrage significatif entre la régulation du mode routier et celui ferroviaire. Mais il faut également arbitrer en faveur des investissements nécessaires à la remise en état des infrastructures dédiées au fret ferroviaire et repenser la gouvernance de certaines lignes, notamment des lignes capillaires fret et autres voies de service. Enfin, il serait opportun de simplifier les règles d’exploitation qui sont extrêmement complexes.
Peut-être que le fait de rentrer dans une Nouvel’R, du nom du programme lancé par SNCF Réseau, pourrait être accompagné par la mise en œuvre d’un lobbying plus intense. Car sur ce point, le ferroviaire ne fait pas du tout le poids par rapport au routier.
L’exemple allemand
Cette prise de conscience de l’importance du fret ferroviaire qui présente, pourtant, bien des atouts au plan de la transition énergétique, l’Allemagne le conjugue encore mieux au quotidien depuis juillet 2017. C’est, en effet, à cette date qu’a été publié le master plan en faveur du fret ferroviaire, sa part de marché étant de 17 %. Compte tenu que les autoroutes deviennent de plus en plus engorgées et que même le niveau du Rhin constitue une source de préoccupation, l’État a décidé que le fret ferroviaire était dorénavant au centre de la politique de transport allemande.
Dans sa présentation, Gottfried Eymer, patron d’Euro Cargo Rail (ECR), a, tout d’abord, rappelé les enjeux nationaux allemands parmi lesquels figurent en bonne place la création d’une infrastructure capable de produire une forte densité ferroviaire, la mise en place de l’European Train Control System (ETCS), la lutte contre le bruit et la réduction des émissions de CO2.
Il a, ensuite, présenté le plan de relance ferroviaire et l’accord sur dix actions comportant 66 mesures pour améliorer la compétitivité du fret ferroviaire. Au rang de celles-ci, on trouvait ainsi en bonne place le développement de la digitalisation pour le fret ferroviaire, l’augmentation de l’automatisation des opérations ferroviaires, le développement de la multimodalité et la réduction significative des coûts d’infrastructure et des sillons.
Sur ce dernier point, le ministère fédéral des transports a enfoncé le clou en annonçant la mise en place de subventions devant servir au financement du coût des sillons à partir de cette année. Cette mesure réservée aux entreprises réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 175 M€ par an va faire baisser de manière spectaculaire le prix des trains/km. Ainsi, le train standard passera de 2,83 € à 1,28 € alors que le train très lourd verra son tarif chuter de 4,05 € à seulement 1,83 €. Sur ce point au moins, la situation française s’est améliorée puisque Elisabeth Borne a annoncé la mort de "l’inflation ferroviaire" et de la hausse continue des péages décidée par son prédécesseur.
Des raisons d’espérer
Dans sa conclusion, Jacques Chauvineau, président de l’association Objectif OFP, remarque avec satisfaction que "cela bouge vraiment beaucoup dans le fret ferroviaire en France mais cela n’est pas gagné pour autant. Le ferroviaire du XXIe siècle va être différent de celui du XXe siècle. Nous entrons résolument dans une nouvelle ère qui exprime l’ampleur des défis qui attendent le ferroviaire". Avant de préciser les enjeux majeurs auxquels est confronté le rail : "il faut que le gestionnaire du réseau joue son rôle en toute transparence. Il faut aussi de l’enthousiasme et l’expérience de Perrier à Vergèze est là pour nous le démontrer. Mais le ferroviaire reste encore un sujet trop technique et complexe. Il s’avère donc nécessaire de simplifier partout où cela est possible."
Grand connaisseur des Régions puisqu’il est l’un des pères fondateurs des TER, Jacques Chauvineau met aussi en avant le rôle que vont jouer les Régions en faveur du fret ferroviaire. Cela sera, ainsi, un moyen de beaucoup mieux valoriser les installations locales dont la pérennité est loin d’être assurée, faute d’un entretien suffisant.
Démultiplier les engagements
Les entreprises ferroviaires sont, de leur côté, parfaitement conscientes qu’elles vont devoir démultiplier leurs engagements financiers pour répondre aux défis de l’innovation et de la productivité.
Mais elles indiquent déjà sans ambages qu’elles n’en ont clairement pas les moyens d’autant qu’elles vont devoir aussi équiper leurs locomotives pour mise en conformité avec le nouveau système de signalisation européen (ETCS), supporter le changement de freinage des wagons pour luter conter le bruit, … dépenses largement subventionnées en Allemagne !