Franck Goldnadel, groupe ADP : "les marchandises sont aussi importantes que les passagers"

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Franck Goldnadel, directeur général adjoint en charge des opérations aéroportuaires et patron de l'aéroport Paris-Charles de Gaulle.

Crédit photo © JP Gaborit
Le groupe ADP réaffirme haut et fort son intérêt pour l'activité cargo, après l'avoir longtemps délaissée. Pourquoi et comment le gestionnaire des aéroports parisiens déploie-t-il sa nouvelle stratégie ? Les réponses de Franck Goldnadel, directeur général adjoint en charge des opérations aéroportuaires et patron de l'aéroport Paris-Charles de Gaulle.

WK-Transport-Logistique.fr : Les professionnels du fret aérien estiment que le groupe ADP (ex-Aéroports de Paris) a longtemps délaissé l’activité cargo. Que leur répondez-vous ?
Franck Goldnadel :
Lorsque l'entreprise a changé de statut en 2005 pour passer d'un établissement public à une société anonyme cotée en Bourse, le fret a un peu été mis au second rang. Mais je suis convaincu qu’il n’y a pas de grand aéroport international sans une grande activité cargo. C'est pourquoi dès mon arrivée en 2011 à la tête de l'aéroport Paris-Charles de Gaulle, j’ai très vite commencé à travailler sur ce sujet. L'aéroport occupe une position de premier plan en Europe, avec 2,1 millions de tonnes transportées en 2015. Notre ambition est d'asseoir ce leadership dans les années à venir.


WK-TL : Pourquoi ce virage stratégique ?
F.G. :
Déployer une stratégie cargo est d'abord indispensable au développement de l'ensemble de la plateforme Paris-Charles de Gaulle. C'est un élément fondamental de l'équilibre économique d'un aéroport d'autant qu'aujourd'hui, les deux tiers du fret aérien sont transportés dans les soutes des avions passagers. Le cargo est donc de plus en plus intégré à l'activité globale du transport aérien. J'ai coutume de dire que les marchandises sont aussi importantes que les passagers, et si on veut l’un, il faut l’autre.
Ensuite, l'aéroport est un puissant moteur de création de richesse et d'emploi pour l'Ile-de-France, et le fret aérien constitue une industrie importante pour l'attractivité de la France. L'activité cargo sur la plateforme Paris-Charles de Gaulle représente quelque 40 000 emplois et capte à peu près 30 % de la valeur des exportations françaises.


WK-TL : Comment procédez-vous pour recréer une dynamique ?
F.G. : Paris et l'Ile-de-France disposent d'atouts indéniables. Le hub de Paris-Charles de Gaulle accueille tous les grands acteurs mondiaux du fret aérien, bénéficie d'une position géographique idéale à moins de 2 heures de vol des autres grandes villes européennes. Enfin, la zone cargo s'étend sur 300 hectares d'un seul tenant et dispose encore de réserves foncières. Mais malgré ses avantages, nous avons, ces dernières années, perdu des parts de marchés au profit d'autres aéroports européens, qui étaient mieux organisés pour attirer le trafic.
La chaîne logistique fait intervenir une multitude d'acteurs cargo. Notre ambition est d'assumer pleinement notre rôle de coordinateur et de fédérateur de cette communauté. L'organisation de la 28e édition de l'Air Cargo Forum à Paris, du 26 au 28 octobre prochain, en est un parfait symbole. Pour faire vernir cette manifestation à Paris, nous avons œuvré en étroite collaboration avec Air France Cargo et tous les acteurs de la place. Cette démarche a donné le fil conducteur à toutes les actions que l'on mène depuis, en lien avec les professionnels du fret aérien.


WK-TL : Comment se traduit sur le terrain cette volonté de fédérer la communauté du fret aérien ?
F.G. : Un des seuls éléments qui fédère aujourd’hui, c’est le CIN, la plateforme commune d'échanges électroniques. C’est bien, mais il faut aller plus loin. Nous avons donc décidé de faire renaître le Comité Interprofessionnel du fret (CIF*) de ses cendres. Fondée en 1994, cette association a connu des hauts et des bas. Elle a notamment souffert de la transformation du secteur et d’une concurrence exacerbée entre acteurs, dont certains ont tout bonnement disparu. Aujourd'hui, nous repartons sur de nouvelles bases, en redéfinissant les statuts et en établissant une feuille de route : le groupe ADP doit y prendre une part active.


WK-TL : Vous vous voyez comme un chef d'orchestre. Mais l'autorité aéroportuaire est-elle également prête à jouer un rôle plus opérationnel ?
F.G. : Connect 2020, notre plan stratégique sur la période 2016-2020, prévoit 4,6 milliards d'euros d'investissements au total, dont 3 milliards alloués aux infrastructures aéronautiques. Une importante partie de cette somme concerne des opérations de maintenance en zone de fret. Par ailleurs, nous étudions la possibilité de mettre en place de nouveaux outils de traçabilité, pour les contenants ou les véhicules évoluant sur les aires aéronautiques et les pistes. C’est actuellement un élément de rupture sur la chaîne d’information, pour lequel nous voulons apporter une solution technique innovante qui serait mutualisée entre tous les acteurs afin de diminuer au maximum les coûts d'exploitation.


WK-TL : Qu'en est-il des investissements immobiliers ?
F.G. :
Environ 100 000 m² d'installations cargo supplémentaires sont prévues à l'issue de la période 2016-2020, soit 25 % de plus qu'au cours de la période 2011-2015. Notre priorité est d'investir dans des entrepôts et des messageries connectés aux pistes et de disposer d'une palette d'actifs immobiliers suffisamment large pour accompagner les projets d'installation de nos clients. Certains, comme Bolloré Logistics, investissent directement sur l'aéroport. C'est aussi le cas le DHL, qui a annoncé récemment l'installation d'un hub de 20 000 m². Sans compter d'autres projets portés par de grands noms du fret qui devraient être dévoilés dans les jours ou semaines prochaines...
Cela dit, nous favorisons aussi la construction d’infrastructures mutualisées. Par exemple, nous avons travaillé avec WFS pour lui permettre d'opérer sur une nouvelle station animalière, agrandie et entièrement remise aux normes : c'est chose faite depuis deux ans !


WK-TL : Quels sont les principaux chantiers du groupe ADP aujourd’hui ?
F.G. : La place de Paris a beaucoup progressé au cours des dernières années. Et je tiens dans ce domaine à souligner le rôle positif qu'ont joué les services de l'État et en particulier des Douanes. En revanche, il reste des progrès à faire dans la convergence des pratiques au niveau européen, en particulier pour les procédures phytosanitaires.
Autre enjeu important pour nous : l'obtention de certifications, notamment dans le secteur pharmaceutique. Nous discutons avec les filières et les chargeurs pour connaître leurs besoins, mais cela passe aussi par un engagement de tous les acteurs à jouer le jeu.


WK-TL : Comment évaluez-vous la contribution du cargo aux résultats du groupe ?
F.G. :
La mesure de la contribution financière réelle de cette activité n'est pas chose aisée. C'est même un sujet complexe sur lequel nous continuons à travailler afin d'améliorer nos indicateurs.
Songez simplement qu'un million de passagers supplémentaire entraîne en moyenne la création de 1 500 emplois directs, dont un tiers lié à l’activité cargo. N'est-ce pas la meilleure des raisons pour développer cette activité ?

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